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Les années 90, transgressives et agressives - Generations

Les années 90, transgressives et agressives

Les Années 90, Transgressives et Agressives.

Si je devais résumer ces années en un seul mot ce serait : Oser. 

Sortir n’était pas que sortir, c’était surtout se préparer, s’inventer un look, lequel taperait dans l’oeil de Marie-Line à la porte des Bains, dans la foule attroupée vers l’entrée, vers ce Saint Graal des soirées parisiennes où il fallait à tout prix entrer; là elle vous repérait et vous attrapait du regard, un signe du doigt et on se frayait un chemin vers les portes du paradis qui s’ouvraient. 

L’option alternative était d’arriver à la porte après une attente laborieuse et de s’entendre dire « Ca ne va pas être possible ce soir. » Autant dire la guillotine. Les années 90 n’étaient pas les années du fric qui ouvrait systématiquement toutes les portes, évidemment ça existait mais ça n’était pas primordial et surtout pas un critère. Il fallait oser, être originale, ne ressembler à personne. 

Un soir j’ai osé porter un body de Jean Paul Gaultier totalement argenté, j’avais ensuite découpé sans aucuns scrupules le bas d’une robe longue en lurex métallisé Missoni appartenant à ma mère pour m’en faire une mini jupe drapée. Ce soir là, Marie-Line m’a fait signe du doigt en me voyant arriver de loin. C’est à ce simple signe si lourd de signification que j’ai su que la mode était mon passe-droit, mon subterfuge; me créant instantanément un alter ego  qui me donnait un accès immédiat à tout. 

Comment vous décrire ce sentiment. J’avais 25 ans, j’étais chez Yves Saint Laurent à l’atelier Couture Georges V, mon premier appartement, mes premières nuits à Paris. Seule. La solitude à 25 ans c’était un luxe. 

La nuit tout était possible, et la nuit des années 90 était trépidante. 

Nous étions les uniques acteurs d’une scène ou rien n’était filmé, rien n’était relaté, mais il fallait exister, briller, rire et faire rire. Les seuls censeurs était la foule qui nous entourait, et elle seule nous jugeait, nous jaugeait et nous adoptait parfois. 

Flashbacks de George Michael à une table, de top models qu’on faisait semblant de ne pas reconnaitre, tant d’idoles côtoyées, au coude à coude.

Eve Salvail arpentait et parfois se perdait sur les catwalks avec son crâne rasé et tatoué d’un dragon, la rue Ste Croix de la Bretonnerie dans le Marais n’était pas fréquentable, et c’est là dans le sous-sol d’un sex shop que je me suis fait percer le nombril, sans vraiment le vouloir, mais pourquoi pas ?

Alors oui Madonna était notre idole absolue, notre obsession était les body tatouages de Jean-Paul Gaultier, aussi ceux d’Alaïa, des corsets Vivienne Westwood, les slip dresses de Calvin Klein, les bottes de motard lacées, les bombers, les baskets compensées, les baskets tout court, les Halles, Equipment et Free Lance. 

A New York j’ai réclamé the Rachel Haircut, et je l’ai eue. Les Twin Towers m’aidaient à me repérer dans tout Manhattan, j’ai découvert le vintage et ses magasins avec Rachel Zabar, une suite logique de nos après-midi aux Puces de Vanves à Paris. Mott Street était malfamée et Bowery vraiment dangereuse. Des soirées improbables commençaient dans des lofts sur Central Park et finissaient dans des ateliers d’artistes downtown, ou on a peut-être connu de grands talents émergeants mais trop ivres et trop connes pour les reconnaitre. 

Voilà les nineties c’était ça, on sortait déguisées ou à moitié nues, assoiffées de vivre intensément. Je regrette à moitié qu’il y ait si peu de photos de ces soirées, mon autre moitié soupire de soulagement. C’était intense, exaltant, on prétendait être aguerries, blasées. Mais tout le monde faisait semblant, et dans ce monde de dupes on était en sécurité. 

Dernièrement je me suis surprise à rêver de smokings noirs à taille haute, de slip dresses, de manteaux oversize, de jupes midi évasées avec des pulls chaussette, j’ai repensé à Caroline Bessette-Kennedy, à un caban en léopard sur une chemise de nuit en soie taillée en biais. 

Je me suis surprise à convoiter et acheter des Burlington et des mocassins. Les années 80 nous guettent… une affaire à suivre ?

Terry

Catégories : Éditorial

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